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Mistral AI : la décacorne française qui veut réécrire les règles de l’intelligence artificielle

En deux ans, Mistral AI est devenue la première décacorne française. Derrière cette success story : trois chercheurs trentenaires, une levée record de 1,7 milliard d’euros et une ambition claire : offrir une alternative européenne aux géants américains de l’IA.
Mistral AI : la décacorne française qui veut réécrire les règles de l’intelligence artificielle
Arthur Mensch, PDG de Mistral IA

En deux ans seulement, une start-up née à Paris est devenue la première décacorne française, une entreprise valorisée plus de dix milliards d’euros. Son nom : Mistral AI. Derrière cette ascension fulgurante, trois chercheurs trentenaires passés par DeepMind et Meta, un modèle économique singulier fondé sur l’open source, et une ambition affichée : bâtir une intelligence artificielle européenne capable de rivaliser avec les géants américains.

Dans un entretien récent, son PDG Arthur Mensch a confirmé une levée record de 1,7 milliard d’euros, dont 1,3 milliard apporté par le néerlandais ASML, champion mondial de la lithographie pour semi-conducteurs. Plus qu’un simple financement, c’est un signal politique et stratégique : l’Europe est décidée à jouer sa propre carte dans la course à l’IA.

Arthur Mensch, l’ingénieur discret devenu visage de l’IA européenne

Arthur Mensch n’a que 33 ans et déjà son nom circule dans les cercles les plus fermés de la tech mondiale. Né à Sèvres, formé à l’École Polytechnique puis à l’École Normale Supérieure, il coche toutes les cases de l’élite scientifique française. Mais là où beaucoup de ses camarades ont choisi la voie académique ou l’exil discret dans les laboratoires américains, lui a tracé une autre route.

En 2020, il rejoint Google DeepMind, l’un des temples mondiaux de la recherche en intelligence artificielle. Trois ans plus tard, il décide de quitter la Big Tech pour fonder, avec deux amis ingénieurs passés par Meta, une start-up baptisée Mistral AI. Le nom, choisi par Timothée Lacroix, est une référence au vent du sud, symbole français d’énergie et de force brute. Une manière d’affirmer d’emblée une ambition européenne face aux mastodontes californiens.

Dès 2023, Mistral lève plus de 100 millions d’euros. L’année suivante, elle franchit le cap du milliard. Et en 2025, l’annonce tombe : 1,7 milliard d’euros supplémentaires, dont 1,3 milliard apporté par ASML, le géant néerlandais des semi-conducteurs. En deux ans, la petite pousse française est devenue une décacorne : un titre jusque-là réservé aux stars de la Silicon Valley ou de Shenzhen. À peine un an après sa création, Mensch est propulsé dans le classement du Time Magazine parmi les innovateurs les plus prometteurs de la planète.

ASML, le partenaire stratégique qui change la donne

Derrière la levée record de 1,7 milliard d’euros, un nom retient l’attention : ASML. Basée aux Pays-Bas, cette entreprise est un mastodonte mondial de la technologie, avec un chiffre d’affaires dépassant les 28 milliards d’euros. Sa spécialité : la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême, une technologie unique qui permet de graver les circuits des semi-conducteurs. Autrement dit, sans ASML, pas de puces, et sans puces, pas d’intelligence artificielle.

En investissant 1,3 milliard d’euros dans Mistral AI, ASML ne se contente pas d’apporter du capital. Le groupe devient un partenaire stratégique et technologique. Concrètement, les chercheurs de Mistral travaillent main dans la main avec ceux d’ASML pour améliorer la précision de ses machines, en appliquant les capacités des modèles d’IA aux processus industriels les plus complexes.

Ce partenariat est un symbole : pour la première fois depuis longtemps, un champion européen de la deep tech s’allie avec une start-up européenne de l’IA. Et cette alliance envoie un message clair : l’Europe peut construire son propre écosystème technologique, au lieu de dépendre uniquement des capitaux et des technologies venues de la Silicon Valley.

Arthur Mensch l’assume : « Nous avons toujours voulu créer une aventure indépendante, avec une profondeur de collaboration différente. » En associant la puissance industrielle d’ASML et l’agilité de Mistral, la France et l’Europe démontrent qu’elles ne sont pas condamnées à rester spectatrices dans la course mondiale à l’IA.

L’open source comme ADN de Mistral, et une leçon pour les indépendants

Dès ses débuts, Mistral a choisi une voie radicalement différente de celle d’OpenAI ou d’Anthropic : rendre ses modèles open source. Autrement dit, accessibles gratuitement, modifiables par tous, et perfectibles par la communauté mondiale des développeurs. Une décision qui peut sembler risquée, mais qui correspond à une logique bien précise.

« Tout internet tourne sur du logiciel open source », rappelle Arthur Mensch. De Linux aux bases de données PostgreSQL, les plus grandes infrastructures numériques reposent sur des briques partagées. Pour Mistral, l’idée est la même : ouvrir les modèles pour créer un socle commun, attirer une communauté de contributeurs, et accélérer l’innovation.

Mais la vraie valeur ne se situe pas dans la mise à disposition brute du modèle. Elle se situe au-dessus : dans la capacité à transformer ces modèles en solutions concrètes pour les entreprises, grâce à une expertise technique et un accompagnement clé en main. Mistral vend donc moins un « code » qu’un savoir-faire : comprendre les processus clients, intégrer l’IA dans leurs flux, et générer de la valeur opérationnelle.

C’est exactement cette philosophie que défend Système Gagnant. Les agents IA et les workflows sont accessibles à tous. Mais la différence se fait dans la mise en système : concevoir des architectures automatisées, choisir les bons outils, les connecter entre eux et les aligner avec les objectifs business. Le but n’est pas de vendre du rêve ou des gadgets, mais de construire des solutions robustes qui changent réellement la manière de travailler.

L’Europe peut-elle rattraper son retard ?

Depuis deux ans, le discours dominant est clair : face aux géants américains comme OpenAI ou aux colosses chinois, l’Europe n’aurait aucune chance. Arthur Mensch ne partage pas ce fatalisme. « On nous répète que nous sommes largués, mais c’est aussi une manière pour les Américains d’entretenir notre dépendance », explique-t-il. L’enjeu est massif : si l’accès à l’information de demain est contrôlé par deux ou trois entreprises américaines, c’est toute la souveraineté numérique européenne qui vacille.

Avec l’entrée d’ASML au capital de Mistral, un signal fort est envoyé : il est possible de bâtir un écosystème européen, en mariant la recherche logicielle française, l’expertise industrielle néerlandaise et les capitaux du continent. C’est une première pierre vers une alternative crédible aux modèles américains.

Mais le chemin reste semé d’embûches. La bataille de l’IA est une bataille d’échelle : toujours plus de données, toujours plus de puissance de calcul, toujours plus d’investissements. L’Europe peut-elle suivre ce rythme ? Peut-elle retenir ses talents face aux salaires mirobolants proposés à San Francisco ou Shenzhen ?

Pour Arthur Mensch, la réponse se trouve dans une combinaison unique : des modèles ouverts, une collaboration étroite avec l’industrie, et un ancrage européen assumé. L’objectif n’est pas seulement de rivaliser, mais de proposer une alternative : une IA plus transparente, plus éthique, et intégrée aux besoins réels des entreprises.

Pour les indépendants et PME, le message est clair : ne pas rester spectateur. La vague IA est en marche. Il est possible de construire ses propres systèmes, de se doter d’outils adaptés et de garder le contrôle sur sa manière de travailler. L’IA n’est pas seulement une menace ou une promesse abstraite : c’est un terrain stratégique, et ceux qui s’y engagent tôt auront l’avantage.